Tu t’es déjà arrêté net devant un mur recouvert de graff, avec cette sensation bizarre de te dire : « C’est plus qu’un tag, là… c’est carrément une œuvre » ? Franchement, moi ça m’est arrivé à Berlin, dans une ruelle pas loin de la East Side Gallery. Un collage immense de visages déchirés, collés, repeints… Ça t’attrape l’œil, puis ça te retourne un peu. C’est là que je me suis posé la question : à quel moment le street art sort de la rue pour devenir de l’art, du vrai, qu’on encadre, qu’on vend, qu’on expose ?
Parce que bon, on parle souvent de street art comme d’un truc rebelle, illégal, un peu punk. Mais aujourd’hui, certains morceaux de mur se vendent à prix d’or, et des graffeurs sont représentés en galerie comme des artistes contemporains à part entière. Est-ce que c’est toujours du street art, ou est-ce qu’on glisse doucement vers ce qu’on pourrait appeler… un artisanat urbain ? Une forme d’expression maîtrisée, pensée pour durer, parfois même enseignée. D’ailleurs, sur artitscreation.com, on trouve de vraies pépites d’art urbain transformées en objets d’art, limite à collectionner.
Quand l’art s’invite dans la rue (ou l’inverse)
Au départ, le street art c’est un cri. Un coup de bombe, un pochoir à la volée, un collage collé en douce à trois heures du matin. C’est sauvage, rapide, souvent éphémère. Banksy, évidemment, a joué un rôle énorme dans cette popularisation-là. Mais il n’est pas le seul. À Marseille, par exemple, des collectifs comme le M.U.R ou l’Artmada transforment littéralement des pans entiers de quartiers en galeries à ciel ouvert. Et ce n’est pas juste du graphisme : on parle de mosaïque, de sculpture en béton, de tricot urbain (oui, du tricot !), bref, de vrais savoir-faire.
Ce que je trouve fou, c’est que certains artistes urbains bossent avec autant de technique qu’un artisan d’art. Regarde Invader avec ses mosaïques pixelisées. Ou Vhils, qui sculpte les murs au marteau-piqueur pour révéler des visages. Ce n’est pas un simple geste graphique, c’est une maîtrise de la matière, du support, du geste. Et là, pour moi, on bascule : on n’est plus juste dans l’art de rue, on est dans l’artisanat. Urbain, oui, mais clairement artisanal.
La rue, nouveau tremplin pour les artistes-artisans
Ce glissement, on le voit aussi dans les parcours. Beaucoup d’artistes de rue commencent par les murs, et finissent par travailler sur toile, sur bois, sur objets récupérés. Pas pour “trahir” la rue, mais pour explorer autrement, plus longtemps, plus profondément. Perso, j’ai vu une expo de Madame (artiste collage parisienne) où chaque pièce semblait voler entre le mobilier ancien et le manifeste politique. C’était dérangeant et beau à la fois. Et surtout : fait main. Lentement. Amoureusement.
Alors oui, peut-être qu’on peut parler d’artisanat urbain. Quand l’artiste choisit ses matériaux avec soin, travaille sur la durée, développe une technique personnelle, transmet un savoir. Ça reste ancré dans la culture urbaine, dans ses codes visuels, mais ça flirte avec le fait-main, le durable, l’unique. C’est plus proche d’un luthier de la rue que d’un taggueur pressé, tu vois ?
Est-ce que ça perd son âme ?
Question piège, non ? Y’en a qui diront : “Le street art, c’est dans la rue ou rien”. D’autres pensent qu’il évolue, qu’il a le droit de changer de forme sans perdre son message. Moi, je suis un peu entre les deux. Quand je vois un ancien mur de JR devenir une fresque de salon, j’ai un petit pincement. Mais quand je découvre des artistes qui transforment une démarche urbaine en objet d’art, sans renier leurs racines, ça me bluffe. Et souvent, ça me touche plus que certains trucs ultra-léchés vus en foire d’art contemporain.
Et toi, tu préfères quand l’art reste dans la rue, ou quand il se laisse toucher, acheter, collectionner ? Est-ce que ça t’émeut pareil quand c’est encadré ?
Conclusion : un nouveau langage hybride
Le street art n’a peut-être jamais été aussi vivant qu’aujourd’hui. Il bouge, il mute, il s’adapte. Et parfois, il devient artisanat urbain : une nouvelle manière de faire dialoguer les gestes de la main avec les cris de la rue. Ce n’est pas une trahison, c’est une évolution. Une ouverture. Une manière de dire que même un mur peut devenir un objet d’art, pourvu qu’on y mette du cœur, du sens, et un peu de poussière sous les ongles.
Alors la prochaine fois que tu croises une fresque, un collage, une sculpture sur un mur… pose-toi la question : est-ce juste joli, ou est-ce que c’est de l’art ? Et si la réponse est “les deux”, c’est peut-être qu’on y est, justement.
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